Le piège du produit worst-case

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un piège avec un appart en forme de pancarte qui dit worstcase approach
un piège avec un appart en forme de pancarte qui dit worstcase approach
Faut-il vraiment choisir un seul worst-case ?

Dans la validation des procédés de nettoyage, on parle souvent d’approche « worst-case ». C’est une stratégie qu’on retrouve un peu partout : pour fixer les critères d’acceptation, évaluer les paramètres les plus sensibles ou encore définir des durées de stockage (DHT, CHT). La démarche repose sur un principe simple mais robuste: « qui peut le plus peut le moins ».

Pourquoi chercher un worst-case produit ?

Le but, c’est de prouver que le procédé de nettoyage permet l'atteinte de l'état propre attendu, même face au produit le plus tenace. Si le procédé arrive à éliminer correctement celui-là, alors il devrait aussi éliminer tous les autres sans souci.

Mais pour choisir ce fameux produit worst-case, il faut aller creuser dans sa composition, sa toxicité, sa solubilité, sa persistance sur les équipements ou encore sa difficulté à être nettoyé. Bref, tout ce qui peut poser problème. Et c’est justement en prenant le pire scénario qu’on s’assure que la stratégie de nettoyage tient la route, même dans des cas extrêmes.

En bonus, cette approche permet aussi d’éviter de devoir valider chaque produit un par un. Résultat : un gain de temps, une approche plus rationnelle, et un bon point à faire valoir en inspection.

Deux façons de définir un worst-case

Il existe deux méthodes principales.

1. L’approche par analyse de risques

Elle consiste à croiser plusieurs critères recommandés dans l’annexe 15 des GMP : solubilité, nettoyabilité, toxicité, activité, etc. Le score global permet de comparer les produits entre eux.
Mais attention : quand on travaille avec des produits formulés, il faut aussi prendre en compte la quantité de chaque substance dans la formule. Par exemple, un excipient très difficile à nettoyer aura plus de poids s’il est présent en grande quantité.

Prenons ce tableau qui détaille la composition de 4 produits type DP:

Produit A

  • Drug Substance : 0,07 mg/g

  • Saccharose : 60 mg/g

  • Mannitol : N/A

  • Tween : 0,2 mg/g

  • NaH2PO4 : 0,5 mg/g

  • NaCl : N/A

Produit B

  • Drug Substance : 0,03 mg/g

  • Saccharose : 60 mg/g

  • Mannitol : N/A

  • Tween : 0,2 mg/g

  • NaH2PO4 : 0,5 mg/g

  • NaCl : N/A

Produit C

  • Drug Substance : 0,01 mg/g

  • Saccharose : 95 mg/g

  • Mannitol : N/A

  • Tween : 0,2 mg/g

  • NaH2PO4 : 0,5 mg/g

  • NaCl : N/A

Produit D

  • Drug Substance : 5 mg/g

  • Saccharose : N/A

  • Mannitol : 50 mg/g

  • Tween : N/A

  • NaH2PO4 : N/A

  • NaCl : 8 mg/g

Et maintenant leurs scores dans une approche AMDEC :

  • Produit A : Solubilité = 1, Nettoyabilité = 1, Activité = 5, Toxicité = 1 → Score final : 5

  • Produit B : Solubilité = 5, Nettoyabilité = 1, Activité = 1, Toxicité = 5 → Score final : 25

  • Produit C : Solubilité = 5, Nettoyabilité = 5, Activité = 1, Toxicité = 5 → Score final : 125

  • Produit D : Solubilité = 10, Nettoyabilité = 5, Activité = 5, Toxicité = 1 → Score final : 250

Le produit D ressort comme worst-case de part ses caractéristiques et la méthodologie mise en oeuvre, et devient le produit à utiliser lors de la validation.

2. L’approche expérimentale en labo (étude coupon)
L’autre méthode consiste à tester directement les produits à petite échelle, sur des coupons, avec des conditions de nettoyage contrôlées. On mesure la quantité de résidu avant/après nettoyage (souvent par gravimétrie).

Ici, on adapte les paramètres pour qu’ils restent comparables, même à petite échelle. Par exemple, on remplace l’action mécanique par les boules de lavage par un trempage plus facile à standardiser. L'idée principale étant de faire en sorte que dans des conditions similaires (reproductive entre les essais) et représentatives du procédé de nettoyage de routine, on soit capable d'évaluer le comportement des produits testés: dans ces conditions, les produits qui s'éliminent le mieux, sont les produits qui sonts les moins worst-case.

Produit A

  • Quantité déposée : 10,25 mg

  • Quantité restante : 2,56 mg

  • % Perte : 75,02 %

  • Aspect visuel : Propre

Produit B

  • Quantité déposée : 9,56 mg

  • Quantité restante : 1,54 mg

  • % Perte : 83,89 %

  • Aspect visuel : Propre

Produit C

  • Quantité déposée : 9,85 mg

  • Quantité restante : 0,98 mg

  • % Perte : 90,05 %

  • Aspect visuel : Propre

Produit D

  • Quantité déposée : 10,12 mg

  • Quantité restante : 2,89 mg

  • % Perte : 71,44 %

  • Aspect visuel : Traces observables

Dans cet exemple, le produit D (encore lui) est le produit worst-case, car il représente le produit ayant le % de perte le plus faible.

Attention: il ne faut pas confondre les études coupons avec des tests d'efficacité du nettoyage. Ici on ne cherche absoluement pas à démontrer une efficacité d'un procédé de nettoyage, mais on ne cherche qu'a évaluer la difficulté de nettoyage intrinsèque des produits.

Et quand plusieurs produits sont "worst-case" ?

Dans la vraie vie, il arrive souvent que plusieurs produits aient des scores très proches. Par exemple :

  • Produit 1 : Solubilité = 1, Nettoyabilité = 1, Activité = 5, Toxicité = 1 → Score final : 5

  • Produit 2 : Solubilité = 5, Nettoyabilité = 1, Activité = 1, Toxicité = 5 → Score final : 25

  • Produit 3 : Solubilité = 10, Nettoyabilité = 5, Activité = 1, Toxicité = 5 → Score final : 250

  • Produit 4 : Solubilité = 10, Nettoyabilité = 5, Activité = 5, Toxicité = 1 → Score final : 250

Ici, les produits 3 et 4 sont considérés comme worst-case. Mais lequel choisir pour la validation ? On essaie souvent de les départager en ajoutant un critère discriminant :

  • la concentration maximale en substance active (API),

  • le niveau de toxicité le plus élevé,

  • la plus grande activité,

  • la taille de lot la plus grande,

  • la fréquence de production la plus importante.

Pour autant, est-ce que ce critère supplémentaire a vraiment un lien avec l’efficacité du nettoyage ? Est-ce qu’il reflète une véritable difficulté, ou est-ce juste un prétexte pour faire un choix unique et plus facile à justifier ? Ce genre de simplification peut faire perdre de vue la réalité du terrain.

C’est le piège du worst-case : tenter à tout prix d’obtenir un choix unique.

Accepter la complexité, c’est aussi gagner en robustesse

En réalité, vouloir à tout prix réduire à un seul worst-case peut devenir contre-productif. Oui, avoir un seul produit worst-case à présenter, c’est plus simple à défendre face à un inspecteur. Mais accepter d’en avoir plusieurs, c’est souvent plus réaliste. Un choix multiple apporte de la souplesse dans vos essais de validation, qu’elle soit organisationnelle ou scientifique.

Au final, tout est question d’équilibre entre rigueur scientifique et pragmatisme industriel. Accepter la diversité des worst-cases, c’est aussi renforcer la crédibilité de votre stratégie de nettoyage et mieux vous préparer aux audits.

Et pour gérer tout ça facilement ?

Hally a justement été conçue pour vous accompagner dans cette démarche en vous permettant de définir vos propres stratégies de groupage.

Grâce à des outils d’analyse intégrés, vous pouvez visualiser les scores, justifier vos choix et documenter vos approches en toute transparence. En clair : vous gagnez en rigueur, en temps et en tranquillité d’esprit, sans avoir à jongler entre des fichiers Excel complexes ou des matrices peu lisibles.